Plutarque .
faisant feu , de tout bois , le flatteur use non seulement des apparences vestimentaires ou des gestes muets de la courtoisie , mais il hante le palais du langage . il confit ses mots pour exalter le gout des hommes en épicant le ragout des choses : il gonfle ses épithétes ; dans sa bouche , un nez d' aigle est royal , la couardise devient prudence . par de tels procédés qui déréalisent leur objet , le flatteur s' installe de force dans ce cabinet magique des vanités et des prestiges dont parle gracian dans son roman allégorique . obligeant a prendre au sérieux ce que le gorgias ou la république avaient renié , il travaille , tel un opticien retors , dans la sphére des glaces déformantes et dans le monde des faux reflets . un roi qui fredonne devient un apollon , un potentat qui s' enivre est fait dieu des vignes , un prince a la palestre a tout d' un hercule . une espéce de dioptrique mentale nait de ses exagérations : le flatteur l' instaure en meme temps qu' il fonde un art de prudence qui joue avec les maniéres circonstantielles de l' étre et le pare d' une trés fine pellicule diaprée . comment un nez crochu devient il royal ? il suffit de masquer son essence sous un voile léger qui suggére pour mieux tromper , et le tour est joué . il lui faut avoir l' air . avoir l' air , tout est la !
Maréchaux .