De La Nature Des Dieux.

Le principal  peut étre, celui du moins qu' on a le plus souvent mis en Lumiére, c' est qu' elle n' a pas ou presque pas de mythologie. Elle répugne aux légendes. Tandis que la religion des Grecs enveloppe d' une légende poétique la Divinité tutélaire de chaque ville, incarne dans cette Divinité quelque forme brillante de l' activité pacifique ou de l' activité guerriére et l' enveloppe ainsi d' une personnalité nettement distincte, le génie plus calme et plus posé des Romains concoit les Dieux comme autant de manifestations particuliéres des puissances de la nature ; il crée ainsi de petites Divinités qui n' ont pas d' histoire et dont aucune ne se détache des autres avec un puissant relief.

De la il résulte que la religion Grecque est essentiellement Polythéiste. Sa tendance, c' est de considérer ses Dieux comme irréductibles les uns aux autres, c' est de conserver a chacun son individualité. Par conséquent, le Panthéisme des Stoiciens, comme le Monothéisme de Socrate, est antipathique a la religion Grecque ; il ne peut pénétrer dans son sein qu' a titre d' hérésie.

Tout au contraire, la religion Romaine semble appeler le Panthéisme comme son complément nécessaire, comme son interprétation naturelle. Ces Divinités si nombreuses, si diverses, dont se compose pour elle le culte de la campagne ou celui du foyer, se laissent absorber sans peine, sans résistance, au sein d' une Divinité Unique. Plus elles se multiplient, se ramifient, se divisent et se subdivisent, plus il devient aisé de comprendre qu' elles se réduisent en somme a des manifestations secondaires d' une puissance infinie, seule réelle, seule vivante, d' ou proviennent et ou rentrent toutes choses.

M.E.