L' Imagination.
La lanterne a éclairé les voies royales du quinziéme et seiziéme siécles. Chez Calvin, par exemple, sous le nom de folie, elle est une forme de la raison et non pas une malformation, définie comme la mesure propre de l' homme, sachant que la " mesure " procéde implicitement de la " mens ", de l' intelligence humaine. Folie et raison se fondent l' une par l' autre, la quéte rationnelle de l' infinie vérité étant la preuve meme de la folie humaine. D' autre part, a l' écho de cette derniére répondent la folie du tout, la raison vertigineuse de Dieu, espace non pas de démesure, mais proprement sans aucune mesure, inaccessible a l' esprit humain. La folie humaine est donc une force secréte qui anime la raison, sans jamais lui cacher sa démence : elle est une sorte d' énergie critique qui lui montre le chemin, ou plutot le cercle a intégrer, pour mieux transcender ses capacités et éprouver sa haute finalité. " Est il possible de rien imaginer si ridicule que cette misérable et chétive créature....se dire maitresse et emperiére de l' univers ", demande Montaigne, ahuri devant l' orgueil misérable de l' homme qui " va se plantant par imagination au - dessus du cercle de la lune et ramenant le ciel sous ses pieds." Mais, " c' est " également " par vanité de cette meme imagination qu' il égale a Dieu ", si bien que l' imagination semble étre l' acte insensé le plus noble de la raison. Sa folie souligne a la fois la finitude et l' infinité de la raison, sa capacité a sortir d' elle meme, a s' extraire de ses limites pour mieux triompher de son apparente folie. L' homme est fou de ne pas circonscrire sa raison, mais il serait plus fou encore de la mutiler, en la distinguant de sa " folle " dynamique structurelle.
Fleury.