Henri Corbin Et La Conquéte De L' Imaginal.
Ici, le prophétisme s' allie a la conception d' un temps non - historique, cyclique formant une métahistoire dans laquelle le visionnaire pourra réactualiser et revivre l' événement spirituel. Le prophétisme formant un long cycle ininterrompu de dévoilement de la parole divine, sa mise au jour exotérique selon une courbe descendante qui appelle son contre - mouvement ascendant, une interprétation exotérique qui tente de remonter du sens dévoilé de la parole sacrée vers son sens caché, spirituel. Cette remontée vers le sens premier et caché ( ésotérique ) de la parole divine boucle le cercle en donnant a tout visionnaire la possibilité herméneutique de rencontrer son ange en ce lieu imaginal : le mundus imaginalis.
En brisant l' unité du monde, cette pluralité de monde permet une redistribution explicative au différents degrés de l' étre. Ainsi, le mundus imaginalis, comme monde de l' ame, devient le situs de l' exégéte de l' ame, ce monde intermédiaire entre l' homme et l' absconditum, a partir duquel l' herméneutique du croyant reconduit analogiquement le sens littéral d' un texte sacré vers son sens spirituel. Il fonde donc l' expérience visionnaire en offrant un lieu, un topos ( situé hors de l' histoire ) ou se déroulent les récits visionnaires et extatiques. En lui réside la " fonction théophanique nécessaire " de l' angélologie comme médiation entre l' abime de l' absolue transcendance ( l' un ineffable, situé au - dela de tout étant, de toute parole et de toute attribution ) et la multiplicité de ses théophanies. Seule une angélologie permet d' affirmer simultanément la transcendance ineffable de l' étre divin et la pluralité de ses noms et attribus sans sombrer dans les méandres de la théologie apophatique ou de la théologie positive. Si la pluralité des étants sollicite un étre unique comme principe d' existence, réciproquement l' unicité de cet étre ne sera manifesté que par la pluralité des étants, sans pour cela que cet étre primordial ne se confonde avec un étant transcendant, car l' étre transcende toujours l' étant. Or, le mystére demeure sur ce passage de l' étre a l' étant. La théosophie islamique situera le mystére au niveau originel de l' étre, a partir d' un théomonisme ontologique, qui conditionne et garantit la pluralité des étants et préserve l' unité de l' étre divin en son essence inconnaissable, tout en établissant un rapport entre l' étre - un et la pluralité des étants qui fonde le schéma d' une ontologie comme hiérarchie de monde. Cette hiérarchie permet de poser une différence ontologique entre le Deux absconditus ( la divinité, théotés ) et le Deus revelatus ( les Dieux, theoi ), tout en préservant la distance de la divinité cachée et la présence des formes multiples de sa révélation. Ce probléme est un paradoxe inhérent a tout Monothéisme, comme le rappelle Corbin. Il reléve de l' élaboration d' une hiérarchie de monde dans laquelle est instituée une gradation ontologique entre l' un et les étants, tout en préservant cet un au - dela de tout multiple.
Massonet.