De La Nature Des Dieux.
Il y a eu, il y a encore des philosophes soutenant que les Dieux ne se mettent nullement en peine des affaires humaines. Si cette opinion est la vraie, que deviennent la piété, la crainte des Dieux, la religion ? Nous avons a nous acquitter envers les Dieux de beaucoup d' offices et la pureté, la franchise du coeur y sont requises, s' il est vrai que les immortels y ont égard et si, de leur coté, il font quelque chose pour le genre humain.
Si, au contraire, ils ne peuvent ni ne veulent nous étre en aide, s' ils n' ont de nous aucun souci et si nos facons d' agir leur sont indifférentes, s' il n' est rien dans notre vie qui atteste leur influence, pourquoi seraient ils l' objet d' un culte de notre part, a quoi servirait il de les honorer, de leur adresser des priéres ? Tout de meme que les autres vertus, la piété ne peut consister en un vrai simulacre et, la piété disparait, la crainte des Dieux, la religion s' en vont nécessairement avec elle, notre vie est bouleversée, le désordre régne. Je ne sais en vérité si la piété venant a manquer, la bonne foi pourrait subsister, si meme la rupture du lien social ne s' ensuivrait pas, si la justice, c' est a dire la plus haute des vertus, ne serait pas abolie elle aussi.
Cicéron.