Le Désir En Philosophie.
L' Aspect créateur du désir humain.
"Lettre a Héloise", de Jean - Jacques Rousseau.
" Malheur a qui n' a plus rien a désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu' il posséde. On jouit moins de ce qu' on obtient que de ce qu' on espére, et l' on est heureux qu' avant d' étre heureux. En effet, l' homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a recu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu' il désire, qui le soumet a son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparait devant l' objet meme : rien n' embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu' on voit ; l' imagination ne pare plus ce qu' on posséde, l' illusion cesse ou commence la jouissance. Le pays des chiméres est en ce monde le plus digne d' étre habité et tel est le néant des choses humaines, qu' hors l' étre existant par lui meme, il n' y a rien de beau que ce qui n' est pas.
Si cet effet n' a pas toujours lieu sur les objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes. Vivre sans peine n' est pas un état d' homme : vivre ainsi c' est étre mort. Celui qui pourrait tout sans étre Dieu serait une misérable créature : il serait privé du plaisir de désirer : tout autre privation serait plus supportable."
Jean - Louis Chevreau.