Platon.
le poéte.
platon se défie de l' ivresse , et souhaite que le philosophe soit un homme sobre : en fait d' ivresse , il ne veut connaitre que celle de la lucidité. la transe poétique est une expérience de la possession , et la possession est un vertige ou l' homme , devenu habité par le dieu perd toute mesure , et s' abandonne au péril de l' inhumain , tel agavé qui , dans les bacchantes d' euripide , déchire vivant son propre fils penthée et brandit sa téte tranchée comme le trophée d' une chasse glorieuse. le poéte , cet interpréte , ou plutot ce porte - parole du dieu , énonce sans doute de grandes vérités puisqu' un dieu parle dans sa gorge , mais son langage plus qu' humain est plein d' énigmes et d' obscurités , précisément parce qu' il parle de haut et ne consent pas a se mettre a niveau de l' intelligence humaine. en outre et surtout , le magnétisme poétique est un alcool qui enivre les esprits , et les entraine malgré eux dans la démesure de la possession. aussi faut il honorer le poéte comme un étre divin , mais le congédier poliment pour qu' il n' aille pas troubler l' attention et l' écoute que réclame la parole enseignante , pour sa formulation comme pour sa réception. que le poéte aille donc voir ailleurs , et qu' il laisse le philosophe penser par lui meme ! la poésie , selon platon , est le savoir d' un autre temps , des temps lointains qui ont précédé cet age de l' autonomie dont la civilisation des cités fut la manifestation la plus glorieuse : le poéte est aliéné , non autonome , il ne sait littéralement pas ce qu' il dit , et ne saurait en rendre compte , lui , simplement ventriloque , médium par la langue duquel un dieu fait entendre son oracle.
Darriulat.