Plutarque .
plutarque , castiglione , gracian , la bruyére ont observé tous ces flatteurs de cour , milieu irréel , fantasmatique et inconsistant . et chacun dans sa langue savait qu' un adulateur de la trempe d' alcibiade était le reflet d' un reflet , une exhibition incarnée ou le paraitre submergeait l' étre , en l' amoindrissant ou en l' anéantissant . pourtant , si alcibiade fut le prince des flatteurs , il en fut le représentant le moins délicat . ce flatteur patenté , comme l' a compris plutarque , a mis au point un art d' agréer pour subjuger . la séduction d' alcibiade ressemble au charme irréversible et agressif des magiciens . elle est opération a sens unique ; elle exclut la mutuelle communion , la communication , qui repose sur ce double influx d' aller et de retour . c' est peut étre pour cela qu' alcibiade mauvais flatteur eut une carriére trop fulgurante . au contraire , l' habile enjoleur de cour , par exemple , donne l' illusion d' une réciprocité . c' est pour mieux faire diversion que ce pénétrant impénétrable laisse croire a une relation bilatérale , alors qu' il évite a tout prix l' échange . il devine sans étre deviné , il déjoue le jeu d' autrui sans lui permettre de lire dans le sien propre : en un mot , il défait chez autrui l' oeuvre d' artifice pour y retrouver la vérité , mais il est tout mystére sur lui meme et laisse l' autre sur sa faim . point d' adulation passive ; le flatteur se laisserait prendre a son piége ; mais une adulation active qui consiste a maitriser sans étre maitrisé , a comprendre en faisant en sorte d' étre soi meme mécompris . il ne s' agit pas d' induire un ami en erreur , mais d' ensorceler une dupe sous les dehors de l' amitié . par conséquent , le but de la flatterie devient pratique , technique et militant avant que d' étre immoral . car pour juger de son immoralité , encore faut il voir a qui elle s' attaque .
Maraichaux .